ULTRAMAR
ASPECTOS DA POLÍTICA ULTRAMARINA PORTUGUESA
Cristo

A justificação da tortura

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Entrevista a Holden Roberto por Pierre de Vos, jornalista do jornal Le Monde, publicada em 5 de Julho de 1961. São abordados os acontecimentos — massacres e torturas — no Norte de Angola quatro meses antes, e que desencadearam a guerra de África.

Que deveriam ter feito os portugueses? Fugirem os brancos, abandonando quem ficasse — família, amigos, empregados… — à serra mecânica “libertadora”? Negociar? Quantas crianças torturadas valeria Angola? Transigir? Quantas vítimas reclamaria a carnificina vinda do Congo para se saciar?

É verdade que estávamos e estivemos sós. Portugal estava, no plano internacional, isolado (embora não tanto quanto parecia). Mas não é menos verdade que tínhamos — e teremos sempre — motivo de que nos orgulhar: durante treze anos se opôs, só e bravamente, o braço português, como era seu dever, à selvajaria mais torpe que ameaçava as nossas gentes africanas. Não no podendo dissuadir ou forçar, acabaria por ser pela traição — a que nem Viriato resistiu — que o fariam vacilar e ceder, para desgraça de toda a nossa gente.

OPUS CITATUM
Les nationalistes se préparent à l'hibernationPierre de VosLe Monde, 5 de Julho de 1961

Léopoldville, juin — Les pluies ont cessé de tomber, la saison sèche s’est installée, la verte végétation se couvre d’une épaisse couche de poussière rouge. Dans le nord de l’Angola, les insurgés vont se terrer jusqu’en septembre. Les colons blancs ont repris espoir: à Luanda, port et capitale, le Niassa débarque sans cesse des renforts de troupes qui vont pouvoir enfin être acheminés vers le nord puisque les routes vont être à nouveau praticables. Comme partout en Afrique, on exagère pour se donner du courage. “Bientôt, dit-on, il y aura soixante-quinze mille soldats portugais dans la province d’Angola.” Mais ce sera en tout cas la sécurité assurée jusqu’en septembre, jusqu’aux prochaines pluies Après, on verra toujours… Vivre pendant trois mois, c’est en soi une garantie à laquelle peu de Portugais croyaient encore Au nord de Luanda, les Blancs sont devenus fatalistes.

Un temps d’arrêt

Les chefs rebelles admettent sans beaucoup s’en inquiéter que l’insurrection devra marquer un temps d’arrêt.

À Léopoldville, capitale de la République du Congo et quartier général de la rébellion angolaise, Roberto Holden étudie une carte de son pays dans son petit bureau du 78, rue Dodoma, à la limite de la ville blanche et du “Belge”, la cité noire, qui n’a pas renoncé à son nom après l’indépendance.

“Nous savons très bien, nous dit-il, que les Portugais se proposent de lancer une offensive de grande envergure, mais cela ne nous empêchera pas de poursuivre la lutte et de gagner, comme le F.L.N. finira par remporter la victoire en Algérie pour les mêmes raisons. Nous sommes des Angolais, nous connaissons donc le pays mieux que les Portugais. Nous pourront toujours déjouer la tactique portugaise. Nous résisterons sans beaucoup de peine jusqu’en septembre. Et, au retour des pluies, nous redeviendrons les maîtres absolus de tout le territoire qui s’étend au nord de Luanda.”

Roberto Holden s’exprime en français, plus correctement que bien des chefs politiques d’Afrique ex-française ou du Congo ex-belge. Il est jeune, beau, calme et élégant C’est un Noir qui manifestement a beaucoup vécu au contact des Blancs. Il a la distinction d’un étudiant d’Oxford, sa mesure aussi. Il n’élève pas la voix, mais parle sans hésitation ; ses phrases sont bien construites, bien balancées, sans un mot de trop.

“J’ai trois noms, dit-il en souriant, mais c’est pour les besoins de la guerre. Je m’appelle vraiment Holden Roberto. Mon nom de famille est Roberto, mon prénom Holden, ce qui déroute toujours les Occidentaux. C’eût été plus simple, bien sûr, si mon père avait choisi Jean, Pierre ou Jacques, mais mes parents étaient des paysans, des êtres frustes, et mon père a voulu m’appeler comme un des missionnaires protestants de la région, le Dr Holden, un Américain. Voilà…”

À Accra, au Ghana, où Roberto Holden était très lié avec Kwame Nkrumah et où il séjourna souvent en compagnie de Patrice Lumumba, il se fit appeler José Gilmore pour échapper à la vigilance de la P.V.D.E. portugaise, la Policie de Vigilancia et Defensa do Estado (la police de vigilance et de défense de l’État), l’équivalent si l’on veut de la D.S.T.

Les mouvements nationalistes

Roberto Holden est le chef incontesté de l’insurrection angolaise. Il dirige de Léopoldville l’U.P.A., l’Union des populations de l’Angola (Uniao das Populaçoes de Angola), le mouvement qui est à la base de toute la rébellion. S’il y a plusieurs organisations nationalistes, une seule en dehors de l’U.P.A. est de quelque importance. Il s’agit du M.P.L.A. (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola) que dirige M. Mario de Andrade, installé à Conakry, en République de Guinée. Le M.P.L.A. est très actif, et M. de Andrade jouit d’un très grand prestige en Angola et au Congo, mais sur le plan strictement " opérationnel " l’organisation est pratiquement inexistante. Conakry est trop éloignée de Luanda, d’une part, et d’autre part les dirigeants du M.P.L.A. sont pour la plupart des intellectuels ayant fort peu de contacts avec la masse du nord de l’Angola. Les relations entre l’U.P.A. et le M.P.L.A. semblent d’ailleurs bonnes et la formation d’un front commun pourrait être proche. À Léopoldville, où nous cherchons à rencontrer tous les chefs de l’insurrection, c’est le fondateur de l’U.P.A., l’oncle de Roberto Holden, M. Nekaka, qui nous amène le délégué du M.P.L.A., le représentant de M. de Andrade, M. Jordao. Et tous deux jurent n’avoir qu’un but en commun : l’indépendance de l’Angola.

“Cependant, affirment tous ces nationalistes, nous ne réclamons pas le départ des Européens. Eux comme nous souffrent du régime Salazar, et nous voulons les aider à se libérer de l’oppression.”

Nous nous montrons sceptiques :

“On accuse cependant les insurgés des pires horreurs, et il existe des preuves de tortures infligées à des hommes, des femmes et même des enfants portugais dans les territoires environnant San-Salvador-do-Kongo. Niez-vous ces massacres?”

La justification des tortures

Roberto Holden n’hésite pas : "Non, tout cela est vrai et je suis le premier à le regretter. Mais ces horreurs s’expliquent, et le monde doit nous comprendre. L’insurrection a débuté le 16 mars dernier dans une plantation de café, la Fazenda da Primavera, près de San-Salvador-du-Kongo, l’ancienne capitale du royaume du Congo, à 100 kilomètres de la frontière congolaise. Vous savez qu’en Angola le système du travail forcé est toujours en vigueur. Les Portugais organisent régulièrement des rafles dans les villages, et ils remettent des travailleurs aux propriétaires des plantations, des fazendas. Ces travailleurs sont très mal payés, et depuis 1956 - régulièrement - nous organisions des grèves. Chaque fois cependant les Portugais réprimaient ces mouvements sociaux dans le sang. Les colons avaient, ont toujours, le droit de vie et de mort sur leur main-d’œuvre esclave, et chaque fois les " mauvaises têtes " étaient froidement abattues. Malgré cela, à cause de cela même, l’action de l’U.P.A. s’est développée, et quand nous avons décrété une grève générale le 15 mars dernier le mot d’ordre a été suivi sans défaillance. À la plantation Primavera, la réponse portugaise a été traditionnelle : une vingtaine de travailleurs ont été abattus d’une balle dans la nuque. Mais cette fois les esclaves ne se sont pas inclinés ils ont tout massacré…

— Y compris femmes et enfants ?

— Oui, pourquoi le nier… Je sais qu’en Europe on comprend mal cette réaction, mais personne ne se doute des conditions dans lesquelles vit mon peuple."

Ensuite, expliqué le chef de la rébellion, le massacre s’est généralisé. Quand un Noir rencontre un Blanc, c’est à qui tire le premier. Les Portugais encerclent les villages, conduisent les hommes, les femmes et les enfants au bord du fleuve et les fusillent sans pitié. Œil pour œil, dent pour dent, se disent les Angolais, et ils tuent tout autant en y ajoutant la torture, que les Portugais pratiquent moins. Ces tortures, nous en avons eu des preuves et des aveux au cours d’un périple dans le Bas-Congo, du côté congolais, et au cours d’une incursion dans le nord de l’Angola, dans une région abandonnée par les Portugais aux mains des insurgés.

"Nous les avons sciés… "

À Lovo, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière, un petit poste où résidaient une quarantaine d’Européens, administrateurs, colons et artisans, la tuerie a été particulièrement sanglante. Il y avait en effet dans cette localité un instrument de torture unique : une scie mécanique. Le propriétaire de la scierie et les autres ont été ficelés sur une planche bien lisse.

“Puis, nous dit un Angolais avec un large sourire, nous les avons sciés dans le sens de la longueur.”

D’après notre interlocuteur, les victimes “sciées étaient mortes avant l’opération”. D’après d’autres, elles étaient bien vivantes. Et tout le long de notre itinéraire, les témoignages s’accumulent, très spontanément, avec la satisfaction du devoir accompli :

“Bien sûr que nous avons torturé, et nous continuerons. Les Portugais paieront jusqu’au dernier le mal qu’ils nous ont fait pendant tant de siècles. Et voyez comment ils traitaient nos prisonniers…”

Le sort des Angolais emprisonnés n’a en effet rien d’enviable. Dans les prisons les Portugais ont maintenu le droit coutumier en vigueur depuis toujours. Le voleur se voit couper la main ou le bras selon l’importance de son crime, et parmi les soixante mille réfugiés qui ont passé la frontière congolaise il y a quelques dizaines de prisonniers évadés de San-Salvador qu’il a fallu conduire chez le forgeron de Songololo, au Congo, pour les débarrasser des fers qui entravaient leurs jambes. Un d’entre eux avait la bouche fermée avec un cadenas… Mais en général, et tous l’admettent, les geôliers étaient noirs.

“N’empêche que nous ne sommes pas xénophobes, affirment Roberto Holden et Jordao. La preuve, c’est que nous avons sauvé la vie à des Portugais qui nous étaient favorables. Ceux-là ont été prévenus de nos attaques. Mais il est évident que, dans la mêlée, nous en tuons qui auraient pu être nos amis. C’est la guerre… Après, quand tout sera fini et que nous serons installés à Luanda, les bons Portugais pourront rester, et nous nous entendrons avec eux, comme les Algériens s’entendront avec les Français de bonne volonté. Mais nous n’en sommes pas encore là.”

Le quartier général déménage

En attendant, Roberto Holden va installer son quartier général en Angola même. C’est, admet-il, une mesure psychologique mais peu pratique :

“Je serai parmi mes troupes, et c’est ce qu’elles veulent. Mais Léopoldville m’était tellement plus précieuse. D’ici je peux prendre contact avec le monde entier, battre le rappel de toutes les assistances, téléphoner à Paris, à Tunis, à New-York, prendre des avions. Dans la brousse, je devrai camper et je serai coupé du monde, de ce monde sans l’aide duquel l’insurrection angolaise est condamnée. Mais, en ce début de saison sèche, au moment où le moral de mes combattants devra faire face à une offensive portugaise de grande envergure, il faut que je sois parmi eux… Dans quelques semaines, je reviendrai à Léopoldville pour organiser notre offensive, celle qui débutera avec les pluies et qui sera décisive.”

(À suivre.)

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